L'ETAT ESPAGNOL Y VA FRANCO !
le Journal du Pays Basque 2008-02-12
Quatorze arrestations de militants politiques à la veille des élections
Après les quatorze arrestations de dimanche soir et
les interdictions des partis ANV et EHAK le mouvement indépendantiste
se voit fermer toutes les portes de l’activité politique
La gauche abertzale ne peut plus mener un travail politique de façon
publique, tout comme il y a 50 ans sous la dictature franquiste. Après
la décision de Baltasar Garzón de suspendre les activités politiques
d’ANV (Action Nationaliste Basque) et d’EHAK (Parti communiste des
Terres Basques), accusés d’être "sur le point d’intégrer l’activité
délictueuse" de Batasuna, le magistrat de l’Audience Nationale
espagnole a ordonné dimanche l’arrestation de quatorze autres militants
de la gauche abertzale "liés" à la formation interdite, selon un
communiqué du ministère espagnol de l’Intérieur.
De son côté, l’Audience Nationale a précisé que ces personnes ont été
interpellées pour "appartenance" ou "collaboration avec une entreprise
terroriste" ainsi que pour des "activités illégales". Le procureur
général Cándido Conde-Pumpido a pour sa part expliqué qu’il s’agit
d’une opération "importante" contre des "personnes qui prétendent
continuer le travail de direction" de Batasuna et contre ceux "qui
collaborent directement au financement" de l’organisation déclarée hors
la loi en 2003. Parmi
les personnes interpellées figurent l’ancien député européen Karmelo
Landa, et les militants Karmele Aierbe et Mikel Etxaburu. Tous les
trois avaient lancé dimanche un appel à la grève générale ce jeudi afin
de protester contre les mesures prises à l’encontre d’ANV et d’EHAK. Les
quatorze personnes interpellées ont été transférées hier à Madrid pour
être interrogées par la police puis présentées au juge Baltasar Garzón,
"vraisemblablement mercredi", selon l’Audience Nationale. Ce magistrat
s’était déplacé à Donostia-Saint-Sébastien pour piloter lui-même
l’opération devant les flashs des photographes. Dans la foulée des
arrestations, des locaux d’EHAK et d’ANV ont été perquisitionnés. "Ceux
qui soutiennent la violence n’ont pas leur place en démocratie", a
justifié pour sa part le ministre espagnol de l’Intérieur, Alfredo
Pérez Rubalcaba, reprenant le discours lancé samedi par le chef du
gouvernement au palais Kursaal de Donostia. "Seuls ceux qui respectent
les règles et qui ont la capacité de défendre leurs idées avec des mots
peuvent participer au jeu démocratique", avait souligné José Luis
Rodríguez Zapatero. Derrière les barreaux Un
an après ces rencontres qui ont fini sur un échec et au cours
desquelles Batasuna a proposé la mise en place d’une autonomie pour les
quatre provinces du Pays Basque sud avalisée par référendum, le
magistrat Baltasar Garzón a ordonné l’arrestation à Segura (Gipuzkoa)
d’une vingtaine de dirigeants de Batasuna, dont Joseba Permach, Juan
Joxe Petrikorena, Rufi Etxeberria ou Imanol Iparragirre. Quelques
jours auparavant, le magistrat avait ordonné l’arrestation du
responsable aux relations internationales de Batasuna, Joseba Alvarez.
Peu après ce fut le tour de Marije Fullaondo. Récemment deux des
derniers dirigeants encore en liberté, Pernando Barrena et Patxi
Urrutia, étaient interpellés et écroués.
Sur les 38 membres de la Mahai Nazionala [Bureau National, ndlr] de
Batasuna renouvelée le 18 mars 2006, quatre jours avant l’annonce du
cessez-le-feu par l’ETA, 28 ont été arrêtés dont certains remis en
liberté sous caution. Parmi
ceux qui sont en liberté on peut noter l’avocate Jone Goirizelaia,
ainsi que les sept membres du bureau qui représentent les provinces du
Pays Basque nord. L’un d’entre eux, Xabi Larralde, a déclaré que les
mesures à l’encontre d’ANV et d’EHAKainsi que les arrestations de
dimanche soir sont d’une "extrême gravité" car elles vont à l’encontre
de 185000 électeurs dont 5000 du Pays Basque nord. Si tous ces gens
font partie de l’ETA, "l’Espagne a un grand problème", a-t-il lancé. Faisant
le parallèle avec les arrestations opérées dans les milieux abertzale
dans le Pays Basque nord, le porte-parole de Batasuna a estimé que les
autorités des deux pays cherchent à "faire disparaître toute expression
d’un projet indépendantiste basque de la scène politique", et a
regretté le fait que cette stratégie pousse la gauche abertzale à faire
de la politique dans la clandestinité comme pendant la dictature
franquiste. "Il faut que les gouvernements réfléchissent à qui fait
l’apologie de la violence, EHK et ANV qui sont pour la paix, ou le
gouvernement espagnol qui supprime les voies démocratiques". Xabi
Larralde s’est interrogé sur le sens d’une stratégie politique,
partagée par les gouvernements français et espagnol, qui vise selon lui
à "rendre impossible la résolution du conflit basque par les voies
démocratiques". Dans une conférence de presse hier à Bayonne en
compagnie de responsables d’EA, AB et la LCR [lire par ailleurs], le
porte-parole de Batasuna a rappelé que depuis l’interdiction de cette
formation en 2003, "la gauche abertzale a su mener son projet
indépendantiste de l’avant. Ce peuple a montré avoir suffisamment
d’énergie et de courage pour continuer". Derrière les barreaux Le
président de la fédération du Gipuzkoa du PNV, Joseba Egibar, a
qualifié de "non-sens politique" les arrestations ainsi que les mesures
à l’encontre d’EHAK et ANV. "Sous la thèse tout est l’ETA, [l’Etat
espagnol] est en train d’incarcérer des centaines de citoyens, ce qui
veut dire que l’univers de l’ETA n’est pas que trois ou quatre
commandos, mais un univers multiplié par 100 ou 200. C’est un non-sens". Aralar
a qualifié d’"aberration politique" ces interpellations et a accusé
l’Etat espagnol d’avoir une attitude contraire à la paix. "Cette façon
sale d’exercer la politique montre bien" que la volonté de l’Etat
espagnol "n’est autre que d’annuler une sensibilité politique présente
dans ce peuple". Selon l’association Askatasuna, les événements
de ces derniers jours montrent "quelle est la qualité de la démocratie
espagnole", dont les particularités sont "la torture, l’emprisonnement
des représentants politiques, les interdictions de partis politiques,
et les restrictions des droits de réunion et de manifestation". En
dehors du Pays Basque, le leader de la coalition écolo-communiste
espagnole IU, Gaspar Llamazares s’est déclaré "préoccupé" par la
"cyclothymie de la lutte antiterroriste" qui "passe de l’euphorie du
dialogue à la répression". Il a estimé que la résolution du conflit
basque passait par la fin de l’ETA mais "aucunement par l’interdiction
de formations politiques". Enfin, le PPa salué les arrestations
mais a accusé le PSOE d’avoir lancé les procédures d’interdiction et
d’avoir augmenté les pressions sur la gauche abertzale en raison de la
proximité des élections aux Cortes espagnoles. Le PSOE s’est défendu
affirmant que "la loi ne peut pas s’arrêter en période électorale". La Ligue Communiste Révolutionnaire, Abertzaleen
Batasuna, Eusko Alkartasuna et Batasuna ont appelé à un rassemblement jeudi à
18h30 devant le consulat d’Espagne à Bayonne pour protester contre les derniers
événements. Hier, au cours d’une conférence de presse, les quatre partis ont
présenté un manifeste dans lequel ils rappellent la "nature politique" du
conflit basque, lequel nécessite une "résolution du type de celle mise en avant
par l’Accord Démocratique de Base [OHD, accord signé par une cinquantaine de
partis et mouvements sociaux et syndicaux, ndlr] : Tous les habitants du Pays
Basque doivent avoir la possibilité de décider de leur avenir en des termes qui
auront fait l’objet d’un accord".
Selon les quatre partis, un processus de négociation et
un accord multilatéral sont "indispensables pour que ce type de solution puisse
émerger". Un tel processus implique lui-même, poursuit le manifeste, le respect
des droits démocratiques et "est incompatible avec des velléités d’élimination
de son adversaire".
Ce principe est bafoué par le gouvernement socialiste
espagnol qui, en illégalisant l’activité de mouvements abertzale, "met à mal la
démocratie et les possibilités démocratiques de résolution du conflit en Pays
Basque".En dénonçant que Madrid "cherche à nouveau à laisser des milliers de
citoyens basques sans représentation politique", les partis signataires du
manifeste pensent que cette situation "ne peut nous empêcher de nous remémorer
les heures sombres du franquisme". Pour la LCR, AB, EA et Batasuna, "au-delà de
quelques militants donnés, nous sommes tous affectés, le Pays Basque lui-même
est affecté" par "cette atteinte grave aux droits fondamentaux".
Jean Haïra (LCR) a dénoncé le "retournement du PSOE"
qui, après l’échec du processus de négociation, "revient aux positionnements de
la résolution du conflit par la répression". Il a regretté le fait que pendant
le processus de paix, le gouvernement socialiste n’ait pas fait de gestes
d’apaisement. "Le gouvernement d’Aznar (droite) avait fait plus que lui [pendant
les négociations de 1998 en Suisse, ndlr], puisqu’il avait libéré et rapproché
au Pays Basque quelques prisonniers".
Le représentant de la LCR a critiqué le "cynisme" du
parti socialiste qui lance des procédures d’interdiction à l’approche des
élections. Par ailleurs, le fait que la presse de droite demande au gouvernement
de prendre des mesures à l’encontre de Zutik [nom de la LCRau Pays Basque sud]
sous prétexte que ce parti pourrait prêter ses élus aux élections générales du 9
mars, "prouve qu’en Espagne on tape large" et que "n’importe qui peut être visé
rien que pour défendre des droits démocratiques ou pour être en faveur de
l’autodétermination".
Pour sa part, Mertxe Colina (AB) a rappelé que le parti
ANV, créé dans les années 30, est "un mouvement historique" dont certains de ses
membres "comme le commandant Kepa Ordoki ont participé à la libération de Paris,
ce qui avait été reconnu par le général De Gaulle avec la phrase : La France
n’oubliera jamais ce que les Basques ont fait pour elle. Merci De Gaulle !". "Il
n’est pas acceptable d’illégaliser les idées de centaines de personnes", a
ajouté Mertxe Colina tout en dénonçant ce "climat d’exception" qui n’est pas de
nature à déboucher sur une résolution du conflit.
Manex Pagola (EA) s’est pour sa part dit "très inquiet
de la tournure des événements", évoquant "un grand bûcher" et "un grand
sacrifice" contre l’indépendantisme. Il a estimé que ces événements
décrédibilisent la démocratie espagnole.
Les quatre partis ont espéré que "tous ceux qui se
disent démocrates" participeront au rassemblement de jeudi.
LAB appelle à manifester
La LCR, AB, EA et Batasuna appellent à un rassemblement devant le consulat d’Espagne
Quatre personnes blessées au cours d’une manifestation samedi Malgré l’important dispositif policier déployé le matin par
l’Ertzaintza, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés
dans le centre de Bilbao à la mi-journée. Les agents ont enlevé la
banderole aux manifestants et leur ont demandé de se disperser. Privés
de leur banderole, les militants ont décidé de se rassembler ailleurs,
poursuivis par les policiers qui leur ont demandé de dissoudre la
manifestation. Cette situation s’est répétée à plusieurs reprises dans
plusieurs endroits de la ville, jusqu’à ce que des heurts commencent.
Quatre personnes ont été interpellées pour "désordre public" pendant
ces rassemblements dispersés par l’Ertzaintza. Elles ont été remises en
liberté hier après-midi après être passées devant un juge.
Quatre personnes ont été blessées et quatre autres interpellées au
cours de violents incidents qui ont marqué la manifestation organisée à
Bilbao pour dénoncer les mesures de suspension d’activités ordonnées
par le magistrat Baltasar Garzón à l’encontre de des partis ANV et
EHAK. Ce même magistrat avait déclaré cette manifestation "illégale" et
demandé à la police autonomique basque de l’empêcher.